Bloom
une installation de Chen Xiaodan
bcp#11



Os, Lys, France

En compagnie d'Yilan et de Paul je suis allé voir le "Bazaar Compatible Program", situé entre un marché de légumes et un marché aux fleurs. Environ 3 mètres de longueur, 3 mètres de largeur et 3 mètres de hauteur : c'est un stand entre deux rangées de magasins bon marché. A environ 20 mètres de cet espace, des os de bœuf étaient suspendus à l'intérieur de l'échoppe d'un boucher, et des lys blancs étaient en vente chez un fleuriste. J'ai ressenti une grande émotion car c'était à la fois très ordinaire et quotidien, mais aussi extrêmement particulier et fantastique. Quand Yilan et Paul m'ont demandé si je voulais bien présenter un projet ici, j'ai tout de suite accepté l'invitation. Je vais juste acheter des os de bœuf frais et des lys trouvés ici, et les lier ensemble. L'essentiel sera de les suspendre à des crochets de boucherie, tel qu'était apparu l'os de bœuf dont j'étais tombé amoureuse au premier regard. J'ai travaillé avec des os depuis presque une décennie, et avec des fleurs depuis deux décennies. Cet endroit peut être considéré comme l'endroit le plus approprié pour réaliser finalement de manière inattendue mon rêve.

Ce qui m'intéresse c'est que lorsque mes oeuvres avec des os sont refusées dans certaines expositions, la raison invoquée est que les gens ne veulent que des choses propres. Je ne comprends absolument pas : tout le monde ronge les os avec délectation, se rend au temple avec dévotion pour faire des offrandes aux reliques bouddhistes, tout le monde a des os dans son corps. Comment cela pourrait-il devenir quelque chose de sale dans mon exposition ? Les fleurs sont propres, mais les fleurs coupées sont en quelque sorte de cadavres. Je crois que l'âme rend le cadavre vivant, et de l'esprit rend les os splendides.

En examinant ma relation prédestinée avec la France, je me rappelle toujours ces «trésors anciens» dans un grand coffre à la maison. Le frère aîné de ma mère, qui était diplômé de l'Ecole des Beaux Arts de Shanghai dans les années 1930, est malheureusement décédé lors des expériences bactériologiques menées par les envahisseurs japonais, et a laissé une grande malle de livres sur l'art. Ayant connu la guerre, les inondations, les termites et la Révolution culturelle, elle a survécu jusqu'à présent. Contenant Nicolas Poussin, Eugène Delacroix, Maurice Utrillo et Henri Matisse, ce coffre a été la joie et les rêves de mon enfance. Pendant mon enfance, mes livres favoris étaient les romans français illustrés. La plupart des romans étrangers traduits étaient des romans français. Balzac, Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir et le "Bazaar Compatible Program", tous me parlent de la préoccupation humaniste française à propos de la vie réelle. La première fois que j'ai exposé mes pièces avec de grands ossements c'était à Uwantart, une galerie française à Shanghai, à l'automne de 2008. La seconde fois, je vais présenter des os frais et des fleurs dans le "Bazaar Compatible Program" pendant deux semaines. Et dans quelques mois je vais exposer d'autres oeuvres à Paris, au dernier trimestre de l'année 2012...

France, je vais te lire à nouveau.
France, s'il te plaît viens voir mes os et mes fleurs.

 

Chen Xiaodan
Shanghai, le 8 Mars 2012